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Rencontre avec la céramiste qui transforme des objets trouvés en histoires à exposer

Rencontre avec la céramiste qui transforme des objets trouvés en histoires à exposer

Il y a des rencontres qui vous collent à la peau : la céramiste en question m'a pris par le regard d'abord — un regard qui scrute, collecte et transforme — puis par ses mains qui, en quelques gestes, rendent aux objets trouvés une nouvelle vie. Son atelier ressemble à un cabinet de curiosités contemporaines : étagères chargées de morceaux de vaisselle ébréchée, de fragments de tuiles, de bouchons en liège, de petites statues en plastique, et au milieu de tout ça, des pièces en terre cuite qui semblent raconter une histoire. J'ai voulu comprendre comment on passe de la rue, de la brocante ou d'un fond de tiroir à une œuvre exposable.

Pourquoi utiliser des objets trouvés ?

La question revient souvent : pourquoi intégrer des éléments récupérés dans une céramique plutôt que partir d'une argile vierge ? Pour elle, tout part d'une logique narrative et matérielle. Un éclat de porcelaine ramené d'un grenier porte déjà une mémoire : usage, chute, réparation, voyage. En l'insérant dans une pièce neuve, la céramiste superpose les temporalités. Le matériau ancien travaille comme un « évocateur » : il déclenche des réminiscences chez le regardeur, invite à reconstituer une histoire qui n'est plus seulement la sienne mais devient notre histoire commune.

Elle me l'explique simplement : « L'objet trouvé est un témoin. En le réemployant, je ne veux pas le masquer, mais lui donner un nouveau rôle. » C'est cette délicatesse qui m'a frappée — ni récupération brute, ni pastiche vintage, mais un dialogue entre les âges.

Comment se déroule son processus créatif ?

Le travail commence souvent hors de l'atelier : à la dépose d'un vide-grenier, au bord d'une plage, dans une friche industrielle. Les trouvailles sont collectées sans tri strict : ce sont les textures, les couleurs, les petites imperfections qui attirent l'œil. De retour, elle photographie, classe et laisse reposer. Puis viennent les esquisses, non pas pour copier l'objet trouvé, mais pour imaginer la façon dont il pourrait dialoguer avec la terre.

Ensuite, la terre entre en scène. Elle utilise différentes argiles selon le projet : grès pour sa robustesse et sa teinte chaleureuse, porcelaine pour la finesse, faïence pour la vivacité des engobes. Les objets trouvés sont intégrés de multiples façons :

  • incrustation directe dans la pièce (par pression avant la cuisson) ;
  • assemblage après cuisson, grâce à des colles céramiques ou à des emboîtements ;
  • usage comme moule ou empreinte pour transférer textures et motifs ;
  • montage en mobiles ou en installations où les pièces en céramique et les objets trouvés coexistent sans fusion.
  • La cuisson est un moment d'angoisse et de joie : certains matériaux étrangers résistent, d'autres éclatent, certains révèlent des couleurs inattendues. « On joue avec le hasard mais on le maîtrise aussi », me confie-t-elle. Les réserves et pertes font partie intégrante du processus — et parfois, une fracture devient l'élément d'intérêt de la pièce.

    Quelles histoires cherche-t-elle à raconter ?

    Ses pièces ne prétendent pas donner une lecture unique. Elles sont plutôt comme des portes ouvertes. Une tasse dont le col est complété par un fragment d'assiette ébréchée peut parler de table familiale, de vaisselle partagée, de voyages interrompus. Une lampe faite d'une coupe de béton et d'un bouchon en plastique vous renvoie aux contrastes de la ville moderne : durabilité et fragilité, utilitaire et esthétique.

    Elle aime jouer sur le contraste entre l'utile et le symbolique. Un objet fonctionnel (bol, cruche, plat) doté d'une « anecdote » trouvée impose au quotidien une pause réflexive : qui tenait cette tasse avant ? Où était cette miette de paysage ? Ce sont des questions simples qui ouvrent des disponibilités à la rêverie.

    Où voit-on ses pièces ?

    Ses œuvres voyagent surtout via des expositions collectives et des petits galeries indépendantes. J'ai vu une installation dans une salle municipale où chaque pièce était accompagnée d'un court carnet : lieu de la trouvaille, matériau, jour de cuisson, petite note personnelle. Ce format marche très bien — il transforme la visite en enquête. Elle collabore aussi avec des cafés et des librairies qui acceptent d'exposer quelques pièces utilitaires à la vente. Enfin, certaines créations plus monumentales se prêtent à des commandes publiques, notamment pour des résidences artistiques sur le thème du patrimoine local.

    Combien coûte une pièce et comment commander ?

    On me demande souvent si l'artisanat qui travaille avec des objets récupérés est moins cher que la céramique « classique ». Ce n'est pas forcément le cas : si le matériau peut sembler gratuit, la main d'œuvre, les essais, les cuissons et la valeur conceptuelle pèsent. Les petites pièces démarrent généralement autour de 40–60 €, les pièces utilitaires signées entre 80 et 200 €, et les installations ou pièces uniques peuvent atteindre plusieurs centaines voire milliers d'euros selon la complexité.

    Pour commander, elle privilégie le contact direct : visite à l'atelier ou échange par e-mail. Une commande sur mesure commence par une discussion sur l'usage, les préférences esthétiques et le budget. Elle propose ensuite des esquisses et des échantillons avant la réalisation définitive. Le délai varie de quelques semaines à plusieurs mois selon la saison des cuissons.

    Comment entretenir ces pièces mixtes ?

    L'entretien dépend des matériaux intégrés. Les pièces assemblées post-cuisson nécessitent souvent un nettoyage doux à l'eau tiède et un séchage immédiat. Elle déconseille le four ou le micro-ondes pour les pièces comportant des éléments non-céramiques. Pour les objets exposés (dont la valeur est plus patrimoniale que fonctionnelle), la poussière se retire au pinceau doux ; mieux vaut éviter les produits chimiques abrasifs qui risquent d'altérer les colles ou patines.

    Questions fréquentes que je lui ai posées

  • Est-ce que tu te considères comme une récupératrice ou une créatrice ? — « Les deux. Je collecte, mais je raconte. La récupération est le matériau de départ, la création est la recomposition. »
  • As-tu déjà été jugée pour utiliser des objets « déjà utilisés » ? — « Parfois. Mais la plupart des visiteurs comprennent qu'il y a une éthique derrière le geste : respect de l'objet, curiosité et travail artisanal. »
  • Peut-on mélanger tout et n'importe quoi ? — « Non. Il faut une cohérence visuelle et conceptuelle. Un bouchon qui n'apporte rien ne doit pas être collé pour faire de l'effet. Chaque ajout doit être justifié. »
  • Est-ce écoresponsable ? — « La récupération est une petite contribution, mais le plus important est la durabilité de l'objet fini et la transparence sur les matériaux utilisés. »
  • En sortant de son atelier, j'avais envie d'emmener une petite pièce et d'en offrir une autre à quelqu'un qui collectionne les histoires plutôt que les objets. Ce qu'elle fait n'est pas seulement de la céramique : c'est une invitation à revoir notre relation aux choses, à accepter que l'histoire matérielle puisse être remaniée pour mieux nous parler aujourd'hui. J'aime quand l'art rend le quotidien plus bavard — et ici, la vaisselle cassée, les bouchons perdus et les fragments oubliés se mettent à chuchoter.

    Si vous passez par une brocante cet été, regardez ces morceaux autrement : ils sont peut-être déjà des commencements d'œuvres. Et si vous souhaitez voir son travail de près, jetez un œil aux petites galeries locales et aux événements culturels de proximité — c'est souvent là que se nichent les découvertes les plus sincères.

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